Les prescriptions (al-farâyid)

Comme dans les chapitres précédents, il n’est pas question d’entrer dans les détails et de présenter dans tous leurs développements les opinions des quatre grandes écoles. Cela est du ressort des spécialistes ou des étudiants en droit musulman. Il s’agit essentiellement de mettre à la disposition du croyant l’essentiel afin qu’il puisse accomplir correctement et convenablement l’un des quatre piliers de l’Islam. Cela n’empêchera pas de lui enseigner les différents cas qui se posent, quand la question exposée le nécessite.
Notons en premier lieu que la prière se faisait à même le sol. C’est ce qui fit dire aux mâlikites qu’il est détestable de s’en acquitter autrement. Elle est permise, selon les hanbalites, si la terre est recouverte d’un volume de neige suffisant à stabiliser les membres du corps au moment de la position assise. Il en est de même sur l’herbe dans les mêmes conditions, sans quoi la prière n’est pas valable.
En général, il n’y a aucun inconvénient à prier sur un tapis à condition qu’il ne soit pas moelleux, car il convient, lors de la prosternation, que le front puisse sentir la fermeté du sol.
La prière répond à des prescriptions sur la base desquelles se construit sa réalité et sans lesquelles son accomplissement pêche par son imperfection et, partant, elle perd sa qualité normative et ne revêt plus sa dimension spirituelle. Passons donc en revue ses fondements et examinons leur signification.
1. L’intention (an-niyya):
* «Il ne leur fut ordonné que d’adorer Dieu, de Lui vouer un culte pur, en bons croyants originels, d’accomplir la prière, de s’acquitter de l’aumône légale, car telle est la religion de la droiture». (Coran, 98/5)
* La valeur des actes, a dit le Prophète r, procède de l’intention. A chacun ce dont il a eu l’intention de faire. Ainsi, celui qui a émigré pour trouver Dieu et rencontrer Son Envoyé, c’est pour eux que son émigration a été effectivement faite. Par contre, celui qui a émigré pour acquérir quelque bien du monde immédiat ou pour épouser une femme, son émigra- tion ne revêt que le mérite de l’objet qu’il s’est proposé d’atteindre.
Ibn al-Qayyim explique que l’intention c’est à la fois le dessein et la détermination d’entreprendre un acte; elle ne se circonscrit pas à la seule prononciation verbale mais elle provient du cœur dont il est le siège. Au moment du takbîr; elle rapproche de Dieu.
Sans elle, la prière n’est pas acceptée. Tous les ‘ulama s’accordent sur son obligation afin de distinguer entre le culte lui-même et les coutumes.
L’orant désigne la prière de la journée à accomplir, à plus forte raison s’il s’agit de retards accumulés quant à son accomplissement aux moments voulus. A cet effet, non seulement il nomme la prière concernée mais aussi le jour correspondant.
Si l’intention n’intervient pas nécessairement dans le cas des prières prescrites lorsqu’elles s’effectuent aux heures fixées, elle s’impose, par contre, en ce qui concerne la précision des prières surérogatoires bien déterminées telle que celle relative à l’éclipse du soleil ou des funérailles.
L’intention est si importante que si l’orant l’omet et qu’il s’en souvienne pendant la prière, il est tenu de recomencer celle-ci depuis son début.
2. Le takbîr (Allâhu Akbar):
Le takbîr, appelé “Takbîratu l-ihrâm”, est impératif. A ce sujet, le Prophète r a dit: “La pureté est la clef de la prière; le non énoncé du tahrîm (Allâhu Akbar) la prohibe et le taslîm (le salut final) la rend licite”. En effet, selon ce que les anciens ont rapporté en témoins oculaires, le Prophète r, lorsqu’il se levait pour s’acquitter de la prière, se tenait debout, levait les mains à hauteur des épaules et disait : Allâhu Akbar.
3. La position debout (al-qiyyâm) :

Le Coran, la Sunna et le consensus des théologiens font de cette position un devoir pour ceux qui ont la possibilité de l’adopter.
Le Coran spécifie : «soyez assidus à vos prières surtout à la prière médiane et levez-vous pieusement devant Dieu». (Coran, 2/238). Le Prophète r donna cette précision: “Accomplis ta prière debout mais si tu ne le peux pas, fais-la assis et si tu n’es pas en mesure de le faire, accomplis-la, allongé sur le côté”.
Cette indication s’applique à celui qui, physiquement, éprouve des difficultés à se redresser ou, qui étant en déplacement, les circonstances ne lui permettent pas d’agir autre- ment. Ceci a été confirmé par l’Envoyé de Dieu qui a dit, selon la version rapportée par Bukhârî, que si le serviteur de Dieu est malade ou en voyage, Dieu le récompense au même titre que celui qui s’acquitte normalement de son devoir.
Par contre, il est permis de faire la prière surérogatoire dans une position assise, même si l’orant est à même de se tenir debout. Il n’en reste pas moins que cette dernière attitude est mieux rétribuée que la première. A ce sujet, le Prophète r a dit: “La récompense de celui qui prie assis est de moitié par rapport à celui qui prie debout”.
4. La lecture de l’Ouverture (al-Fâtiha):
Plusieurs hadîths font de la récitation de la Fâtiha une obligation à chaque rak‘a de toutes les prières légales ou surérogatoires. Aucune divergence n’oppose les théologiens à ce sujet. Citons, à cet effet, quelques paroles de l’Envoyé de Dieu r.
* Pas de prière sans la récitation de l’Ouverture du Livre
* Quiconque s’acquitte de la prière sans y lire la matrice du livre (al-Fâtiha), sa prière incomplète est nulle.
* Aucune récompense n’est attribuée à la prière accomplie sans la Fâtiha du Livre.
* Récite la matrice du Coran... et fais-le à chaque rak’a.
Quant à la Basmala (Bismi Allâhi ar-Rahmâni ar-Rahîmi), trois courants connus émettent des opinions différentes quant à son emplacement dans la Fâtiha:
a. La basmala est un verset qui s’inclut dans la Fâtiha : Il s’ensuit que sa récitation au début de la Fâtiha est un devoir aussi bien au moment de la lire à voix haute ou à voix basse. Na‘îm al-Mujammar a dit : “J’ai prié derrière Abû Hurayra qui a lu la Basmala et ensuite la matrice du Livre (Ummul Kitâb)”.
b. La basmala est un verset indépendant: Elle a été révélée en vue de séparer les sourates entre elles. Cependant, sa lecture est permise; elle est même recommandée sans qu’il soit nécessaire de l’énoncer à haute voix. Anas a dit: “J’ai prié derrière Abû Bakr, ‘Umar et ‘Uthmân. Ils ne récitaient pas la Basmala à haute voix”.
c. La basmala ne fait partie ni de la Fâtiha ni d’aucune autre sourate: Il en résulte que sa récitation est déconseillée lors des prières légales et non pas pendant les prières surérogatoires. Il ne semble pas que la position de ce courant soit solide. Ibn al-Qayyim concilie le premier et le second courant en déclarant que le Prophète r lisait tantôt la Basmala à haute voix et tantôt à voix basse, bien qu’il la formulait le plus souvent d’une manière discrète.
5. L’inclaison (ar-rukû‘) et la prosternation (sujûd):
Il n’y a aucun doute au sujet de l’obligation de l’inclinaison et de la prosternation Toutes les opinions convergent dans le même sens, selon ce verset : «Ô vous qui croyez ! Inclinez-vous et prosternez-vous...» (Coran, 12/77)
Le rukû‘ consiste à s’incliner de manière que les mains atteignent les genoux. Quant au sujûd, il consiste à placer ses deux mains sur le sol et à poser son front et son nez également contre ce sol. Ibn ‘Abbâs a dit: “Lorsque l’adorateur se prosterne, sept de ses membres se prosternent avec lui: sa face, les deux paumes de sa main, ses deux genoux et ses deux pieds”.
Le Prophète r a dit: “N’est pas récompensée la prière de celui qui ne courbe pas son épine dorsale en s’inclinant et en se prosternant”.
A un homme qu’il voyait prier sans courber son dos en s’inclinant et en se prosternant, l’Envoyé de Dieu lui a dit : “Tu n’as point prié. Si tu meurs, dans cette circonstance, tu ne meurs pas dans ton état de prime nature”.
6. L’acte de se redresser après la génuflexion et de se tenir droit (al-i‘tidâl qâ’man):
Bukhârî et Muslim mentionnent ce que Abû Humayd, dans son explication quant à la manière de s’acquitter de la prière, a dit: “Quand l’orant lève la tête, il doit se tenir droit de sorte que tous les os de son dos reviennent à leur position normale”.
Abû Hurayra rapporte ce dire du Prophète r: “Dieu ne jette pas de regard sur l’homme qui ne redresse pas entièrement son épine dorsale entre son inclination et sa prosternation”.
Aïsha en apporte la confirmation en disant que “Quand le Prophète r levait la tête après son inclination, il ne se prosternait pas avant qu’il ne se tienne debout en position verticale”.
7. La position assise (al-julûs):
C’est le moment de la récitation des salutations (at-tashahhud) avant le salut final. Le Prophète r a dit: “Lorsque tu lèves la tête à la suite de la dernière prosternation et que tu t’assois le temps de formuler le tashahhud, c’est que ta prière est achevée”.
Au début, les croyants, avant que le tashahhud ne soit prescrit, disait: “Que le salut soit sur Dieu avant de l’être sur Ses serviteurs; que le salut soit sur Gabriel; que le salut soit sur Mïkâyîl”. Ensuite, le Prophète r ordonna de ne plus dire: “Que le salut soit sur Dieu”, mais plutôt: “Les salutations à Dieu”.
Ceci indique bien que le tashahhud, qui n’était pas une obligation (fard), le devint par la suite. Il est à noter que sa formulation doit obligatoirement se faire en langue arabe.
8. Le salut final (as-salâm):
Le salut final est obligatoire conformément au dire et à l’acte de l’Envoyé de Dieu.. Selon le hadîth cité ci-dessus, le taslîm est l’acte qui rend licite la prière. ‘Âmir Ibn Sa’d a entendu son père dire: “J’ai vu le Prophète r effectuer le salut final en tournant sa tête à droite et ensuite à gauche de manière à voir la blancheur de ses joues”.
Quant à Wâïl Ibn Hajr, en témoin oculaire, il donna cette précision: “J’ai prié en compagnie du Prophète r. Il avait pour habitude de saluer à sa droite et de dire: “Que le salut soit sur vous, ainsi que la Miséricorde de Dieu et Ses bénédictions”. Ensuite à sa gauche et redire: “Que le salut soit sur vous, ainsi que la Miséricorde de Dieu et Ses bénédictions”.
As-salâmu ‘alay-kum wa rahmatu l-Llâhi wa barakâtu-hu
Ibn Qadâma a dit que les deux salutations, l’une après l’autre, s’inscrivent dans le domaine de la légalité (al-mashrû‘iyya) et non pas dans celui de l’acceptation de la prière (al-’îjâb), d’autant plus que Aïsha, parmi d’autres, a noté que le Prophète r prononçait aussi une seule fois le salut. Il s’ensuit que le salut final peut se faire en deux temps.
Le premier est une obligation (fard) et le second une recommandation (mustahab). Il n’en reste pas moins que tous les ‘ulama s’accordent pour déclarer que la prière avec un seul salut est admise.
Il va de soi que la sérénité la plus complète doit régner tout au long de l’accomplissement de la prière. Autrement dit, l’orant impose le calme et la stabilité à ses membres après chaque mouvement effectué et s’interdit la précipitation, sachant qu’il doit s’accorder un laps de temps afin de bien marquer la séparation entre chacune des phases à réaliser, à savoir entre le moment où il se redresse et celui où il s’abaisse, et davantage encore lors de l’inclination et la prosternation.
Pourtant, l’accélération raisonnable de la prière peut s’expliquer dans certaines circonstances. C’est ainsi que le Prophète r a dit, selon Anas Ibn Mâlik: “J’aborde la prière avec le désir de la prolonger le plus longtemps possible. Cependant, quand j’entends un enfant pleurer, j’accélère la prière parce que je sais la souffrance endurée par la mère en entendant son enfant pleurer”.
Cependant, cette prière, en dépit de sa rapidité, répond à toutes les normes requises. C’est ce qu’a rapporté le même Mâlik: “Je n’ai jamais prié avec un imâm qui accomplit son office à la fois rapide et complète comme le Prophète r : chaque fois qu’il entendait les pleurs d’un enfant, il accélérait la prière parce qu’il appréhendait les émotions de la mère”.

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