La tradition (Sunna)

La Sunna est l’ensemble des paroles et des actes de l’Envoyé de Dieu. Le Prophète r a dit: “Priez comme vous me voyez prier”. Ainsi, la pratique de la prière se conforme à ce qui est appelé les sunnan. Il est recommandé à l’orant d’en préserver les usages afin d’obtenir la récompense qui correspond à chacun deux. S’en abstenir n’annule pas l’office et celui qui y renonce n’est point sanctionné. Toutefois, le fait de les abandonner est une attitude qui tombe sous le coup de la réprobation.
Nous avons donné quelques indications dans le chapitre réservé au procédé de la prière. Voici d’autres aspects énumérés dans leurs grandes lignes.
1. L’acte de lever les bras:
Il est recommandé (mustahabb) ou louable (mandûb), selon les cas, de lever les bras, dans une certaine manière ou d’une autre, dans quatre attitudes:
a. Au moment du takbîr (takbîratu l-ihrâm): On lève les bras lorsqu’on proclame Allâhu Akbar au commencement de la prière: les gens de science ne divergent pas à ce sujet du fait que le Prophète r levait les bras à l’ouverture de chaque office. Selon Ibn Hajr, cinquante compagnons de l’Envoyé de Dieu, dont les dix destinés sûrement au Paradis, confirmèrent cette recommadation, pourtant éloignés les uns des autres à travers le vaste territoire de l’Islam.
Plusieurs versions ont été avancées à propos de cette question. Toutefois, celle que choisit la majorité des théologiens consiste à lever les bras de sorte que les doigts arrivent au niveau du lobe des oreilles, que ce soit avant de dire “Allâhu Akbar” ou au même instant.
b. et c. Lors de l’inclination et au moment de se redresser : Des témoignages confirment que le Prophète r, lorsqu’il allait s’incliner, levait les bras et agissait de même en relevant la tête, tout en disant: “sami‘a Allâhu liman hamidah : Rabbâ-nâ wa laka l-hamd”. C’est le point de vue des hanbalites et des shâfi’ites.
Les hanafites et les mâlikites déclarent que le fait de lever les bras est une règle normative qui ne se présente seulement qu’à l’ouverture de la prière. A ce sujet, ils se référent aux propos d’Ibn Mas‘ûd qui affirma: “Le Prophète r pria et leva ses bras mais ne recommença pas”. Autrement dit, il ne le fit qu’une seule fois.
Il a déclaré en une autre occasion, bien que la chaîne de transmission soit défectueuse : “J’ai prié avec Abû Bakr et ‘Umar; ils ne levaient leurs bras qu’au moment de l’ouverture de la prière”. Il en est de même de ce propos rapporté par Ibn ‘Umar: “Le Prophète r levait les bras en ouvrant la prière et ne répétait plus ce geste”.
d. Au moment de se lever pour effectuer la troisième rak‘a: Une fois avoir accompli deux rak‘a, on s’assoit et on récite le tashahhud. Après cela, on se redresse pour entamer la troisième rak‘a. C’est à ce moment que le Prophète r, disent des témoins de cette époque; levait les bras et proclamait “Allâhu Akbar”.
Cette Sunna se pratique aussi bien par les hommes que par les femmes. Ash-Shawkânî dit qu’il n’y a aucune différence à faire entre les deux sexes.
2. La pose de la main droite sur la gauche:
Contrairement à toutes les autres écoles, les Mâlikites trouvent louable de laisser les bras étendus le long du corps. Ils admettent la pose de la main droite sur la gauche uniquement pour les pières surérogatoires sans pour autant en voir une nécessité.
Pour les autres écoles, il est louable (mandûb) ou recommandé (mustahabb), selon le courant des uns et des autres, de placer la main droite sur la main gauche au moment de s’acquitter de la prière. Cela est confirmé par vingt hadîths rapportés par vingt huit personnes appartenant à la génération du Prophète r (çahâba) et à la génération suivante (tâbi‘in). Mâlik signala cette attitude dans son livre “al-Muwatta”.
La position des bras diffère selon les écoles, car aucun hadîth ne l’établit avec certitude. Ainsi, Si les hanafites et les hanbalites proposent de les placer au-dessus du nombril, les shâfi‘ites les envisagent au-dessus de la poitrine. Shâfi‘î ajoute: c’est en raison de la partie où le cœur se trouve. Hulbâ at-Tâyî dit avoir vu l’Envoyé de Dieu poser la droite sur la gauche au niveau de la séparation de la poitrine et du ventre.
Ceci est confirmé par Wâïl Ibn Hajr qui a dit : “J’ai prié en compagnie du Prophète r et il a mis sa main droite sur sa main gauche à hauteur de sa poitrine”.
Ce dernier hadîth a été rapporté par Ibn Khazîna. Abû Dâwud et an-Nisâï l’ont signalé aussi mais dans une autre forme: Il mit son bras droit sur le dos de son bras gauche en la soutenant de la main, tout en plaçant celle-ci entre le coude et le poignet.
3. L’invocation avant la récitation de la Fâtiha:
Il est louable de réciter des invocations empruntées à l’Envoyé de Dieu. Celui-ci y recourait lorsqu’il débutait la prière après le takbîr et avant de lire la Fâtiha.
Les mâlikites désapprouvent l’invocation en ouvrant la prière. En ce qui les concerne, l’orant dit: “Allâhu Akbar” et récite immédiatement la Fâtiha. Mâlik a dit: “Le Prophète r, Abû Bakr et ‘Umar ouvraient la prière par la louange à Dieu, le Seigneur des univers”, autrement dit par la Fâtiha.
Les autres écoles, au contraire, inscrivent dans le chapitre de la Sunna les invocations après la formule “Allâhu Akbar” énoncée seulement à l’ouverture de la première rak‘a. Ci-joint trois d’entre d’elles, l’une courte et les deux autres plus longues.
a. Aïsha a dit que lorsque le Prophète r ouvrait la prière, il disait: “Gloire et pureté à Toi ô mon Dieu. La louange à Toi. Que Ton nom soit béni et exalté. Il n’y a de divinité que Toi.
Subhânaka Allâhumma wa bihamdika, wa tabâraka jadduka, wa lâ ilâha illâ anta.
b. Abû Hurayra rapporte que lorsque le Prophète r disait “Allâhu Akbar” à haute voix, il se taisait un moment avant d’entamer la lecture du Coran. Il l’interrogea sur la raison de ce silence. Il reçut alors cette réponse: “Je dis, dit-il:
“Ô mon Dieu ! éloigne de moi mes fautes comme tu as éloigné l’orient de l’occident; ô mon Dieu ! purifie-moi de mes fautes comme se purifie le linge blanc de la saleté; ô mon Dieu ! lave-moi de mes fautes avec de la neige, de l’eau et la grêle”.
Allâhumma, bâ‘id baynî wa bayna khatâyâya kamâ bâ‘ad-ta bayna l-mashriqi wal maghribi. Allâhumma naqqînî min khatâyâya kamâ yunaqqâ ath-thawbu l-abyadu mina d-danas. Allâhumma ghsil-nî min khatâyâyaya bi th-thalji wal mâ’i wal baradi”.
c. Selon ‘Alî, lorsque le Prophète r se levait pour accomplir sa prière, il disait “Allâhu Akbar” et ensuite faisait cette invocation:
“Je tourne ma face, en croyant originel, vers Celui qui a créé de rien les cieux et la terre: moi, je ne compte pas au nombre des associants (polythéistes). Ma prière, mes actes de dévotion, ma vie et ma mort appartiennent à Dieu le Seigneur des univers qui n’a point d’associé. C’est de cela que j’ai reçu commandement. Je suis de ceux qui se soumettent. Ô mon Dieu! Tu es le Roi souverain; il n’y a pas de divinité en dehors de Toi. Tu es mon Seigneur et je suis ton serviteur. Je me suis porté tort à moi-même et je reconnais mes péchés; pardonne-moi tous mes péchés car il n’y a personne d’autre pour les pardonner. Guide-moi dans le sens de la meilleure morale car, en dehors de Toi, aucun ne peut me guider vers elle. Efface ce qui est mauvais en moi car Tu es le seul à l’effacer. Seigneur ! me voici devant Toi, invoquant Ton assistance sur assistance. Tout le bien est entre Tes mains. Le mal n’est pas de Toi. Je suis à Toi et c’est vers Toi que mon retour se fera. Que Dieu le Très-haut soit béni et exalté. Je Te demande pardon et je me repens à Toi”.
“Wajjah-tu waj-hi lilladhî fatara s-samawâti wal ardi, hanîfan, musliman, wa mâ anâ minal-mushrikîn. Inna çalâtî, wa nusukî wa mahyâya, wa mamâtî, li Llâhi Rabbîl ‘âlamîna, lâ sharîka la-hu, wa bi dhalika umir-tu, wa anâ minal muslimîna. Allâhumma an-tal Maliku, lâ ilâha illâ anta, anta Rabbî, wa anâ ‘abdu-ka. Zalamtu nafsî wa‘taraftu bi dhanbî, faghfir lî dhunûbî jamî‘an. Innâhu lâ yaghfiru dh-dhunûba illâ anta, wah dinî li ahsani l-akhlâq. Lâ yahdî li ahsanil akhlâqi illâ anta. Wasrif ‘annî sayyi.a-hâ. Lâ yasrifu ‘annî sayyi.a-hâ illâ anta. Labbayka wa sa‘day-ka, wal khayru kullu-hu fî yaday-ka, wa sh-sharru laysa la-ka, wa anâ bi-ka wa ilay-ka, tabârak-ta wa ta‘âlay-ta. Astaghfiru-ka wa atûbu ilayka”.
4. Implorer la protection (al-’isti‘âdha ; la prédication)
Il est louable, après l’invocation et avant la lecture, d’implorer la protection de Dieu contre Satan. Le Coran prescrit: «Quand tu veux psalmodier le Coran, demande à Dieu protection contre Satan le lapidé.» (Coran, 16/98). Selon Ibn al-Mundhur, le Prophète r l’employait. Son énoncé est le suivant:
“A‘ûdhu bi l-Llâhi mina sh-shaytâni r-rajîm”
Pourtant, les mâlikites jugent détestable (makrûh) de prononcer aussi bien la basmala que la prédication avant la Fâtiha et la sourate qui la suit.
Ce n’est pas le cas des hanafites qui recommandent son énoncé à voix basse seulement à la première rak‘a. Il semble que ce serait la meilleure attitude si l’on croit Abû Hurayra qui a dit que lorsque le Prophète r se levait pour s’acquitter de la seconde rak‘a, il récitait directement la Fâtiha.
Pour leur part, les hanbalites et les shâfi’îtes y recourent au début de toutes les rak‘a avant la lecture du Coran, avec cette différence que les premiers préconisent d’en faire usage en silence alors que les seconds optent pour la voix haute quand il s’agit des prières où la récitation exige d’être entendue distinctement.
5. La formule “âmîn”:
Dire “âmîn”, à la fin de la lecture de la Fâtiha, s’impose aussi bien à l’imâm qu’à l’orant, qui se tient derrière lui, qu’il prie en groupe ou seul. Selon Abû Hurayra, “Lorsque le Prophète r récitait “non pas celle des réprouvés, non plus que de ceux qui s’égarent”, il disait ensuite “âmîn” en se faisant entendre par le premier rang des orants et alors toute la mosquée, qui répétait “âmîn”, vibrait”.
La formule se prononce à voix basse selon les mâlikites et les hanafites. Il en est de même chez les shâfi’ites et les hanbalites mais seulement lorsque la prière se fait en silence; par contre, elle se fait à haute voix quand la prière s’effectue de la même manière.
Il est recommandé aux orants, priant en groupe, de ne pas devancer l’imâm mais d’attendre qu’il dise “âmîn” pour reprendre eux-mêmes la formule.
A ce sujet, d’après Abû Hurayra, le Prophète r a dit: “Lorsque l’imâm clôt la Fâtiha et dit “âmîn”: celui qui fait correspondre son âmîn avec le sien, qui est aussi celui des anges, il lui sera pardonné ses fautes antérieures”.
6. La lecture derrière l’imâm:
En principe, la prière n’est valable qu’avec la récitation de la Fâtiha à chacune des rak‘a. Cependant, cette obligation n’a plus sa raison d’être si l’orant prie derrière un imâm: il lui appartient seulement, lors des prières faites à haute voix, d’écouter attentivement la récitation de l’imâm, conformément à l’énoncé de ce verset:
«Quand le Coran est psalmodié, écoute-le bien, entends-le pour toi-même, dans l’espoir d’obtenir miséricorde». (Coran, 7/204). De son côté, le Prophète r a dit: «Lorsque l’imâm dit “Allâhu Akbar”, dites aussi “Allâhu Akbar” et lorsqu’il commence la récitation, écoutez-le bien».
Cependant, lorsque la prière se fait en silence, la lecture s’impose à l’orant. Il est également de son devoir d’entreprendre la récitation pour lui-même, lors de la prière à haute voix, si, de l’emplacement où il se trouve, il ne parvient pas à entendre la lecture de l’imâm.
7. L’invocation entre deux prosternations:
Il a été dit que la rak‘a comporte une inclination et deux prosternations. Entre ces deux dernières, il est recommandé de faire une invocation en suivant cet exemple de l’Envoyé de Dieu qui, selon Ibn ‘Abbâs, disait: “Ô mon Dieu ! pardonne-moi, fais-moi miséricorde, conserve-moi en bonne santé, guide-moi dans le droit chemin et accorde-moi les moyens de subsistance”.
“Allâhumma ghfir-lî, war-hamnî, wa ‘âfinî, wah-dinî, war-zuqnî”
Il est à noter que chez les hanifites, aucune invocation ne se fait à cet instant ni à aucun autre moment. Les mâlikites, de leur côté, préconisent cette dernière invocation sans pour autant l’inscrire dans le chapitre des actes louables. Les shâfi‘ites et les hanbalites la légalisent. Les seconds en font même un devoir.
8. La pause (jalsatu l-istirâha):
Jalsatu l-istirâha est le très court répit que l’orant s’accorde, dans une position assise, à la fin de chaque seconde prosternation de chaque rak‘a avant de se redresser pour entamer la rak‘a suivante.
Les théologiens ne s’accordent pas à ce sujet en raison de la divergence des hadîths concernant cette pause. Chez les shâfi‘ites, elle s’inscrit dans le contexte de la Sunna mais la plupart des fuqaha ne l’admettent pas.
9. Les salutations finales (at-tashahhud):
Dans la partie intitulée “Procédé de la prière”, il a été fait mention du tashahhud avant le salut final. Il a été donné quelques invocations à faire. Nous allons en donner une autre, tout en exposant le point de vue des écoles juridiques à ce sujet.
Selon Abû Hurayra, le Prophète r a dit: “Celui d’entre vous qui termine les salutations finales, qu’il demande asile auprès de Dieu en ces termes : Ô mon Dieu ! je demande Ta protection contre le châtiment de l’Enfer, le châtiment de la tombe, les tentations de la vie, la rébellion contre la mort et le mal qui provient des incitations perfides de l’Antéchrist”.
“ Allâhumma, Innî a‘üdhu bika min ‘adhâbi n-nâri, wa min ‘adhâbi l-qabri, wa min fitnatil mahyâ wal mamâti; wa min fitnati sharri al-masîhi ad-dajjâl”.
Les hanafites prohibent les invocations personnelles qui s’identifient au langage du commun des mortels tels que: “Ô Mon Dieu ! accorde-moi telle et telle chose”, ou encore: “Ô mon Dieu ! fais que j’épouse telle femme”, etc..
Les autres écoles, par contre, permettent ce genre d’invocation, en se basant, à cet effet, sur ce qu’ont rapporté, entre autres, Ibn Mas‘ûd et Abû Hurayra. Le premier a dit: “Après, que l’orant choisisse ce qu’il lui plaît des affaires le concernant”.
Remarque : L’orant évite de prier sur les lieux de passage des gens. La plupart des ‘ulama disent que, si en dépit de ses précautions, une personne venait à y passer, il lui est permis de la repousser en lui faisant un léger signe de la main ou en élevant le ton de sa récitation du Coran, mais non pas les deux à la fois.
Si, par inadvertance ou délibérément, une personne passe devant l’orant sans que celui-ci ne parvienne à la repousser, sa prière demeure valable. Celle-ci perd néanmoins de sa valeur s’il néglige de l’écarter selon les conventions signalées ci-dessus. Le Prophète r a dit: “Le passant n’annule en rien la prière mais que l’orant fasse le nécessaire pour le repousser”.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire