INSPIRATION DE L'ÉCRITURE Part 4




17) Les Chrétiens croient généralement que les deux livres des Chroniques ont été composés par Esdras, avec le concours d'Aggée et de Zacharie. Mais ces trois prophètes se trompent dans le 1er livre, en parlant des enfants de Benjamin. et confondent les fils avec les petits-fils. Les commentateurs expliquent cela en disant qu'Esdras avait sous les yeux des tables généalogiques fautives. Mais cela même prouve que les trois prophètes, auteurs des Chroniques, ne les ont pas écrites par inspiration divine, autrement ils n'auraient pas suivi des généalogies. fautives comme, dans l'estimation des Gens du Livre (id est, les chrétiens et les Juifs), il n'y a aucune différence entre ces livres et les autres écrits de l'Ancien Testament, nous pouvons appliquer, par induction, le même raisonnement à ces derniers, et nous ajouterons que, de même que, d'après eux aussi (les Gens du Livre), les prophètes ne sont pas impeccables, de même ils ne sauraient être infaillibles, et peuvent ne pas avoir tout écrit sous l'inspiration divine.

Il n'est, donc, pas possible, à aucun des Docteurs Chrétiens, de soutenir que tel ou tel livre de l'Ancien ou du Nouveau Testament, ou tel ou tel fait ou détail, aient été écrits par l'effet d'une révélation spéciale. Cela posé, nous disons que les textes originaux de l'Ancien et du Nouveau Testament, se sont perdus avant la mission de Mohammed, que la bénédiction et la paix soient sur lui !

Ce que nous avons maintenant sous ce nom, n'est autre chose qu'une espèce de compilation réunissant les traditions authentiques et les apocryphes ; nous ne disons pas que les deux Testaments se sont conservés intacts jusqu'au temps de Notre Prophète et qu'ils ont été altérés après lui. Dieu nous garde d'une telle assertion.

Les assertions de Paul, en admettant que les écrits qui portent son nom soient réellement de lui, n'ont pas, non plus, pour nous un grand poids, parce que, dans notre croyance, Paul n'est qu'un de ces faux Apôtres qui ont paru dans la première génération, quoique chez les sectaires de la Trinité il soit considéré comme un grand Saint ; ses paroles n'ont, donc, point pour nous plus de valeur qu'une paille. Quant aux autres Apôtres, nous les croyons des hommes pieux et Saints, mais nous ne les croyons pas inspirés, après l'ascension du Christ ; leurs paroles ne peuvent avoir d'autre autorité que celle que nous accordons au témoignage d'hommes vertueux, mais sujet à erreur.

Le manque de toute tradition suivie et authentique à leur égard jusqu'à la fin du 2ème siècle, la perte de l'Evangile original de Matthieu, l'existence d'une traduction, de cet Evangile, dont on ne connaît pas jusqu'à présent le nom de l'auteur, la corruption constatée des textes, sont autant de raisons pour lesquelles nous ne devons accepter les paroles des Apôtres qu'avec la plus grande défiance. De plus, on sait que souvent ils comprenaient mal les discours de Jésus, ainsi que nous le démontrerons plus tard, s'il plaît à Dieu.

Luc et Marc n'étaient pas du nombre des Apôtres, et il n'est pas prouvé qu'ils aient écrit par inspiration.

Pour nous le Pentateuque est ce qui a été révélé à Moïse, et l'Evangile ce qui a été révélé à Jésus Christ, ainsi que nous le dit notre CORAN ; dans la sourate intitulé « LA VACHE » : "Nous avons donné le livre à Moise" ; et dans la sourate « LA TABLE », en parlant du Christ : "Nous lui avons donné l'Evangile". Dans la sourate intitulé « MARIE », Jésus dit de lui- même . "Il (Dieu) m'a donné le livre " . c'est-à-dire , l'Evangile. Il est dit, aussi, dans la sourate de la VACHE et dans celle de la FAMILLE D'IMRAN : "Ce que nous avons donné à Moïse et à Jésus" ; c' est à dire, le Pentateuque et l'Evangile. Les épîtres et les histoires qui existent maintenant ne sont pas l'Evangile et le Pentateuque, ou la Tora dont parle le Coran, et il n'est point nécessaire d'en reconnaître l'autorité. La seule règle que nous puissions suivre en cette matière c'est de recevoir toutes les traditions confirmées par notre livre, et de rejeter toutes celles qui lui sont contraires. Quant aux faits que le Coran passe sous silence, nous nous abstenons de les juger, et nous les regardons avec indifférence. Dans la sourate de la TABLE, Dieu dit à son Prophète : "Nous t'avons envoyé le Livre contenant la vérité, lequel conforme les livres qui l'ont précédé, et les met à l'abri de tout doute".

On lit dans l'ouvrage intitulé "MAALEM-ETTENZIL" (Signes ou Guides de la Révélation) au sujet de ce verset . "Quant on parle de la sincérité du Coran, on veut dire, comme l'explique ibn Jarih, que le Coran se rattache aux révélations qui l'on précédé ; les traditions que le Coran confirme doivent être reçues, dans le cas contraire on doit les repousser. Saïd ben Mosaïeb et Dahhak disent que le Coran est décideur. Khalil dit du Coran qu'il est "l'observateur et le conservateur . " ils entendent par là, que le Coran est le texte définitif sur lequel on doit juger de la vérité des révélations qui l'ont précédé. On lit dans le commentaire de Modhari .. "Ce qui est confirmé par le Coran doit être accepté comme vrai, ce que le Coran dément est faux ; ce dont le Coran ne parle pas, abstenez-vous de vous y prononcer, la chose étant susceptible d'être vraie ou fausse".

L'Imam EI-Bokhary rapporte une tradition du Prophète dans son livre Eshchahhadat (les Témoignages) avec un lsnad ; il donne cette même tradition dans "I'tisam" (le Refuge) avec un autre lsnad, et dans la "Réfutation des Jahmites" avec un lsnad différent. je le rapporterai d'après ces deux derniers ouvrages, en me servant des termes même du comment. D'El-Kastellany sur "L'I'tisam " . "Comment pouvez-vous avoir recours aux Juifs et aux Chrétiens, lorsque vous avez le Coran, que Dieu a révélé à son Prophète après leurs livres, et que vous lisez dans toute sa pureté originale. Dieu vous a dit comment les gens du Livre ont changé le livre de Dieu, comment ils ont écrit un ouvrage de leurs mains, qu'ils ont ensuite présenté comme provenant de Dieu, et cela par l'avidité du gain. La science que vous avez reçue ne doit elle pas vous empêcher de leur rien demander ? Non, pas Dieu, aucun d'eux n'est jamais venu vous demander ce qui vous a été révélé, à plus forte raison ne devez pas avoir recours à eux".

On lit aussi dans la "Réfutation des Jahmites" ces paroles du Prophète (saw) : "O Musulmans, comment pouvez-vous avoir recours aux Chrétiens et aux Juifs, quand le Livre, qui vient d'être révélé au Prophète, est la plus récente révélation de Dieu, et qui rien n'en a corrompu la pureté ? ..." Nous citerons aussi, de "l'I'tisam". ces paroles de Moâwia à l'égard de Kaâb-el-Ahbar. .. "C'est l'un des plus véridiques des rapporteurs de hadith. qui nous ont rapporté des choses concernant les gens du Livre ; cependant que de mensonges ne nous donne-t-il pas !" Moâwia n'accuse pas de mensonge Kaâb lui-même, que les compagnons du Prophète (saw) avaient en grande estime, mais il veut dire que les choses qu'il rapportait étaient fausses (c'est-à-dire, contraires à ce que dit le Coran) parce que les livres des Juifs sont altérés et corrompus. Il n'y a pas de Musulman qui, s'il voulait examiner le Pentateuque et l'Evangile, ne pût réfuter victorieusement les Juifs et les Chrétiens.

L'auteur du Livre connu sous le titre de "La Honte de ceux qui ont altéré l'Evangile' dit en parlant des Evangiles aujourd'hui reconnus par les Chrétiens, qu'ils ne sont pas les véritables Evangiles que Dieu avait révélé au Prophète, c'est-à-dire. Jésus-Christ. Il ajoute dans le même endroit . "Le véritable Evangile est celui qui est sorti de la bouche du Christ". En parlant ensuite des honteuse inventions des Chrétiens, il dit : "Paul vient ensuite qui leur déroba, par ses fraudes habiles, leur ancienne religion. Quand il vit que leurs esprits étaient susceptibles de recevoir tout ce qu'il leur présenterait. Ce fourbe (ainsi encouragé) effaça jusqu'au dernier vestige de l'ancienne Loi".

L'illustre Fakhr-Eddin Errazy dit dans son ouvrage "Les Questions Elevées". ( chap . IV. sect. 11) : .'Quant à la prédication de Jésus, il paraît qu'elle n'a laissé de traces que dans l'esprit d'un petit nombre d'adeptes, car il est certain pour nous qu'il n'a pas prêché la religion que professent maintenant les Chrétiens avec le père, le fils. et cette trinité qui est l'un des plus abominables blasphèmes que puisse imaginer l'ignorance. De pareilles croyances ne sauraient être professées par le plus ignorant des hommes, à plus forte raison ne peuvent elles pas avoir été enseignées par un prophète, aussi grand et aussi infaillible que le Christ. Nous croyons donc que Jésus n'a pas enseigné cette religion absurde, mais qu'il a prêché l'unité de Dieu, exempte de toute association ou pluralité de personnes. Ces principes restèrent dans l'obscurité. et n'eurent pas de propagateurs, d'où il résulte que le prédication de Jésus n'a point laissé de traces'-.

L'Imam EI-Qortoby dit dans son livre intitulé Exposition des Faussetés et des erreurs de la Religion Chrétienne'. .. .'Le livre que les Chrétiens appellent Evangile n'est pas celui dont Dieu a dit, en parlant à son prophète : « Il a révélé le Pentateuque et l'Evangile pour guider les hommes dans le droit chemin". L'auteur démontre ensuite cette proposition, et prouve que les Apôtres n'étaient ni inspirés, ni infaillibles, que les prodiges qu'on raconte d'eux ne reposent que sur des témoignages individuels sans valeur, et qui, même s'ils étaient vrais, ne prouveraient rien. parce que les Apôtres, eux-mêmes, n'ont jamais prétendu être des prophètes, et déclarèrent au contraire qu'ils ne faisaient qu'annoncer la venue du Christ.

En terminant, EI-Qortoby dit : "Il résulte de l'examen auquel nous venons de nous livrer que l'Evangile qui existe de nos jours n'est pas le véritable et que ceux qui nous l'ont transmis ne sont pas infaillibles. Si l'on admet que les rédacteurs ont pu être sujets à l'erreur, on ne saurait invoquer l'autorité de ce livre : on ne saurait accorder une foi implicite à tout ce qu'il contient. Cela suffit pour trancher la question, et il ne serait nécessaire de rien ajouter. Cependant. je veux bien examiner ce livre en détail. pour faire ressortir quelques-unes des contradictions, et des erreurs qui s'y trouvent'. Il passe ensuite à un examen détaillé de l'Evangile. au bout duquel il dit : .'Nous avons établi que le Pentateuque et l'Evangile ne méritent aucune confiance, et qu'on ne peut les invoquer comme des autorités décisives à cause des erreurs qui s'y sont glissées, et dont nous avons donné des exemples : et si l'on a pu corrompre à tel point les textes aussi importants et aussi connus, que penser des autres livres moins importants dont les Chrétiens invoquent l'autorité ?" Cet ouvrage d'EI-Qortoby se trouve dans la bibliothèque Couperly à Constantinople.

Le savant Maqrizy, qui vivait au 8 e siècle de l'hégire, écrit ce qui suit dans le 1er volume de son histoire : : Les Juifs prétendent que leur Pentateuque a été conservé sans altération aucune. et les Chrétiens disent que la version des Septante est exempte de toute corruption : ce que les Juifs nient. Les Samaritains prétendent de leur côté que le seul texte authentique de la Tora est le leur. Ces prétentions contraires, loin d'être propres à nous rassurer, ne font qu'accroître nos doute . La même divergence d'opinions règne parmi les Chrétiens au sujet de leurs Evangiles ; les Chrétiens ont quatre histoires du Christ réunies en un seul volume ; la première est l'œuvre de Matthieu, la seconde de Marc, la troisième de Luc, et la quatrième de Jean. Chacun de ces écrivains a composé son histoire dans le pays où il a prêché d'après ses connaissances particulières ; c'est pourquoi ces quatre histoires diffèrent entre elles beaucoup, et présentent même des contradictions sur la personne de Jésus, sa prétendue crucifixion, sa généalogie, chose inadmissible dans des écrits qui prétendent être véridiques.

En outre la secte des Marcionites, et celle des Ebionites possèdent, chacune un Evangile à elle, qui est, en partie, différent des quatre déjà cités ; les Manichéens ont, eux aussi, un Evangile qui contredit de fond en comble tous ceux des autres Chrétiens ; ils possèdent aussi un Evangile, appelé des Septante, qu'ils attribuent à Thomas, et que toutes les autres sectes chrétiennes refusent de reconnaître. Dans cet état des choses, et en présence de ces prétentions contradictoires, il est impossible d'arriver à une solution quelconque, et de distinguer le vrai du faux".

L'auteur du Kéchef Eddhounoun' dit en parlant de l'Evangile : "L'Evangile est le livre que Dieu a révélé à Jésus fils de Marie, que la paix soit sur tous les deux". Il démontre ensuite longuement que les quatre Evangiles ne sont pas l'Evangile original, et dit en terminant : "Ce que Jésus a prêché forme un seul Evangile, où il n'y a point de divergence et point de contradictions. Ces prétendus Evangélistes ont menti en faisant usage du nom de Dieu et de Jésus son prophète".

L'auteur du 'Guide de ceux qui sont embarrassés" (Délalet-El-hayara) dit : "La Tora qui est entre les mains des Juifs contient des corruptions, des interpolations, et des lacunes qui n'ont point échappé aux savants ; et ceux-ci savent d'une manière indubitable que cela ne peut se trouver dans le livre que Dieu a révélé à Moïse, ni dans l'Evangile qui a été révélé au Messie. Comment l'histoire de la crucifixion de Jésus pourrait-elle se trouver dans l'Evangile qui lui a été révélé ?

On peut faire la même demande à l'égard de la résurrection, et de tout ce qui est postérieur à la mort de Jésus. Tout cela est une addition faite par les Docteurs Chrétiens". Il ajoute : "Plus d'un savant musulman a fait connaître les interpolations et les erreurs de tout genre que l'on trouve dans ces livres, et il est facile de se procurer ces ouvrages. N'était la crainte de trop nous étendre, nous aurions cité ici quelques-uns de ces travaux". Ceux qui ont lu ce premier livre du présent ouvrage, verront que les affirmations des savants musulmans sont par leur vérité aussi éclatantes que le soleil à midi. Je ne veux pas trop insister sur ce point, je me bornerai à constater deux faits

1) Que les savants protestants affirment quelquefois, pour donner le change au vulgaire qu'il y a des témoignages du 1er et du 2ème siècle qui attestent l'existence de ces Evangiles. et ils citent à ce propos Clément, Ignace, et d'autres docteurs du 2ème siècle.

2) Que Marc a écrit son Evangile avec l'assistance de Pierre. Luc avec celle de Paul, et que Pierre et Paul étant inspirés, il s'ensuit que les Evangiles auxquels ils ont collaboré sont inspirés aussi. A cela nous répondrons que la question entre nous. porte sur l'existence d'une suite authentique de traditions (lsnad). Cela veut dire qu'un tel, homme digne de toute confiance, tient d'un tel, homme honorable aussi, que tel ouvrage est œuvre de tel apôtre ou de tel prophète, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on soit remonté, par une suite de témoignages dignes de foi, à la personne qui a été le témoin même du fait, qui a vu écrire l'ouvrage, ou l'a lu lui-même en présence de l'auteur, ou a entendu l'auteur déclarer ou reconnaître que le livre est son œuvre. Une telle suite de témoignages manque aux Chrétiens ; les autorités qu'ils allèguent sont de la fin du 2ème siècle ou du commencement du 3e ; avant cette époque il y a obscurité complète. On a répondu à cela (comme. par exemple, l'a fait le Rév. French pendant la discussion publique), que les persécutions auxquelles les Chrétiens furent en butte, pendant les premiers siècles jusqu'en 313, ont interrompu la chaîne des traditions. Nous ne nions pas que les témoignages d'Ignace et de Clément n'aient de l'autorité, mais nous ne saurions leur accorder une autorité décisive, pouvant tenir lieu d'une suite positive et authentique de traditions. Nous ne nions pas, non plus que les Evangiles n'aient été connus à la fin du 2ème siècle ou au commencement du 3 e , nous disons, seulement, que cette publicité était incomplète, et que rien n'était plus facile que d'altérer des textes peu répandus ; on verra la démonstration de cela au 2ème livre.

Il faut d'ailleurs savoir qui sont Clément et Ignace : sache donc que Clément, évêque de Rome, est auteur d'une Epître aux corinthiens, dont la date est controversée : l'archevêque de Canterbury croit qu'elle est entre les années 64 à 70 ; Le Clerc pense qu'elle est de 1'an 69 ; mais d'après Du Pin, Tillemont, et autres, Clément n'aurait été évêque qu'en 91 ou 93, ce qui contredirait les deux hypothèses précédentes. L'historien William Muir donne 1a date de 95 ; Lardner dit 96. La coïncidence de quelques versets de cette épître avec d'autres qui se trouvent dans les Evangiles a fait croire que Clément avait connu ces livres. Cette manière de voir me paraît devoir être repoussée pour plusieurs raisons :

1) La coïncidence de quelques passages ne prouve pas nécessairement qu'un auteur ait copié l'autre : ainsi quand ceux, que les théologiens protestants appellent des « Infidèles », affirment que la morale évangélique est la même que la morale des anciens philosophes, cela ne veut pas dire que l'une soit une copie de l'autre.

L'auteur de « L'ecco homo » dit :"La morale élevée de l'Evangile, dont les Chrétiens sont si fiers, est, mot par mot, celle qu'avait prêchée Confucius six cents ans avant la naissance du Christ. Ainsi Confucius dit dans son 24e précepte : « Faites aux autres ce que vous voudriez que les autres vous fassent ; vous n'avez pas besoin d'autre règle, si vous suivez celle-ci". Dans le 52e précepte il dit : "Ne demande pas la mort de ton ennemi ; cette demande est vaine, la vie est de Dieu'. Précepte 53 . 'Faites du bien à ceux qui vous en font, et ne faites pas de mal à ceux qui vous en auront fait'. Précepte 63 : « Nous pouvons quitter notre ennemi sans en tirer vengeance, les passions ne durent pas ». On trouve. de même, des préceptes de morale très purs dans les philosophes indiens, grecs et autres".

2) S'il était vrai que Clément eût copié les Evangiles, il aurait eu soin de reproduire fidèlement les passages qu'il transcrivit, mais on trouve, au contraire, entre l'Epître de Clément et les passages correspondants de l'Evangile. des différences qui prouvent, irréfutablement, que Clément n'a pas suivi les Evangiles, ou. s'il les a suivis, qu'il a eu connaissance d'un autre texte que celui que nous possédons, comme l'a reconnu Eichhorn au sujet du passage relatif à la voix entendue du ciel.

3) Clément avait été disciple des Apôtres, et en savait autant sur le Christ que Marc et Luc, il est donc plus probable qu'il ait suivi les traditions qu'il avait apprises à l'égal des Evangélistes eux-mêmes. Sans doute, le fait de l'existence des Evangiles serait incontestable, s'il y avait aveu formel de la part de Clément, mais nulle part il ne dit avoir emprunté un seul mot aux Evangélistes ; il ne dit pas non plus qu'il les connaît. Je citerai ici trois passages de cette Epître, comme un pendant de la Trinité :

1) "Celui qui aime Jésus doit suivre ses préceptes". M. Jones croit que Clément a pris ce passage de l'Evangile de Jean (XIV. 15), où il est dit : "si vous m'aimez, gardez mes préceptes". C'est une erreur manifeste : nous savons que d'après tous les critiques, l'Epître de Clément ne peut pas avoir une date postérieure à l'an 96. Or l'Evangile est de 98, d'après Jones lui-même ; comment Clément aurait-il pu lui faire des emprunts ? Horne dit (Introd., vol. 1V. p. 30) : "Jean a écrit son Evangile en 97, selon Chrysostôme et Epiphanius parmi les anciens, et le Dr. Mill, Fabricius, Le Clerc, et l'Evêque Tomline parmi les modernes, ou en 98, d' après M. Jones". D'ailleurs, c'est une vérité d'intuition que l'amour sincère porte naturellement à suivre les préceptes de l'objet aimé. Le Dr. Lardner observe avec raison (Œuvres, vol. II. pp. 40) . "Mais je crois que cette référence est, pour le moins, douteuse. Clément savait très bien par les instructions publiques des Apôtres, ainsi que par ses conversations particulières avec eux, que la profession de l'amour du Christ obligeait les hommes à observer ses préceptes".

2) On lit dans l'Epître de Clément ( 13) : "Tu feras ainsi qu'il est écrit car l'Esprit-Saint a dit que l'homme sage ne tire pas vanité de sa science, et rappelons-nous surtout ces paroles du Seigneur Jésus ... Soyez compatissants afin qu'on ait compassion de vous ; pardonnez, afin que l'on vous pardonne ; il vous sera fait ainsi que vous ferez . Il vous sera donné ainsi que vous donnerez, ainsi que vous jugerez vous serez jugés, et il vous sera mesuré ainsi que vous aurez mesuré aux autres". On dit que Clément a pris ces paroles dans Luc (VI. 36-38), dans Matthieu (VII. 1, 2, 12). Voici le texte de Luc : "Soyez donc miséricordieux, comme aussi votre père est miséricordieux. De plus, ne jugez point, et vous ne serez point jugés ; ne condamnez point, et vous ne serez point condamnés ; pardonnez, et on vous pardonnera. Donnez, et on vous donnera . on vous donnera dans le sein une bonne mesure, pressée et secouée, et qui se répandra par dessus ; car on vous mesurera de la mesure dont vous vous servez envers les autres". Voici maintenant les paroles de Matthieu . "Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés. Car on vous jugera du même jugement que vous aurez jugé ; et on vous mesurera de la même mesure que vous aurez mesuré aux autres. ... Toutes les choses que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-les leur aussi de même, car c'est là la loi et les prophètes".

3) On lit dans l'Epître de Clément (46) : "Rappelez-vous les paroles du Seigneur Jésus, qui a dit : 'Malheur à ceux par qui les offenses viennent (sc. qui auront donné scandale), car il aurait mieux valu pour celui qui donne offense (scandale) à un de mes élus, qu'il ne fût point né ; il vaudrai mieux pour lui qu'on lui attachât une meule autour du cou, et qu'on le jetât dans la mer plutôt qu'il eût à scandaliser un de mes petits élus". On dit que Clément a copié ce passage de Matthieu (XXVI. 24, XVIII. 6), de Marc (IX, 42), et de Luc (XVII. 2).Voici le texte de Matthieu (XXVI. 24) : "Pour ce qui est du Fils de l'Homme, il s'en va, selon ce qui a été écrit de lui ; mais malheur à cet homme-là par qui le Fils de l'Homme est trahi ; il eût mieux valu pour cet homme-là de n'être jamais né ;" (XVIII. 6), "Mais si quelqu'un scandalise un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attachât au cou une meule, et qu'on le jetât au fond de la mer". Marc (IX. 42) : "Quiconque scandalisera un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui mit au cou une meule de moulin, et qu'on le jetât dans la mer". Luc (XVII. 2) : "Il vaudrait mieux pour lui qu'on lui mit au cou une meule de moulin et qu'on le jetât dans la mer, que de scandaliser un de ces petits".

Après avoir cité les paroles de Clément et les passages correspondants des Evangiles, Lardner dit (Œuvres. II p. 37) . "J'ai transcrit tous les passages de l'Evangile afin qu'on puisse se former une opinion en connaissance de cause ;cependant on croit généralement que la dernière partie de ce passage se rapporte à Luc XVII.2". Ces deux passages de Clément passent pour les meilleures preuves de l'authenticité des Evangiles, à tel point que Paley se contente de les citer comme preuve décisive sans en chercher d'autres.

Cette prétention ne me paraît pas fondée, car si l'auteur avait suivi l'un des Evangiles, il eût certainement cité le livre qu'il suivait, ou du moins, il l'eût transcrit exactement ; le moins qu'on puisse exiger. C'est qu'il eût rendu le sens ;mais aucune de ces conditions ne se trouve accomplie, et rien ne saurait nous autoriser à croire qu'il y ait emprunt. Il n'y a, d'ailleurs, aucune raison de donner plus d'autorité à Luc qu'à Clément. Tous deux étaient disciples des premiers Apôtres, tous deux ne connaissaient le Christ que par ouï dire. S'il vous faut à tout compte admettre que Clément a puisé dans un écrit antérieur nous croirions plutôt qu'il l'aura fait dans un autre Evangile, comme il a puisé le passage relatif au baptême de Jésus dans un Evangile inconnu maintenant, ainsi que nous l'avons vu par les paroles du savant Eichhorn.

Nous pensons que l'Evêque Pearson n'a pas tort de croire que Clément ne cite personne, mais qu'il donne les paroles qu'il a entendues lui-même des Apôtres et de leurs disciples. Lardner dit à ce sujet (après le passage cité ci-dessus) : "Il y a, cependant, ici une difficulté ; et c' est une difficulté, que nous pouvons rencontrer souvent, en considérant les écrits de ces auteurs primitifs qui avaient vu de près les Apôtres, et les autres témoins oculaires de la vie de Jésus, et qui étaient aussi familiers avec la doctrine de notre Sauveur, et avec les détails de ses prédications, que les Evangélistes eux-mêmes ; à moins que leurs citations ou leurs allusions ne soient formelles et claires. Ainsi, dans ces passages, la question est de savoir si Clément a pris les paroles de Jésus, qu'il rapporte, d'un récit écrit, ou s'il ne fait que rappeler aux Corinthiens une tradition qu'ils ont entendue, comme lui, répéter aux Apôtres. Le Clerc a adopté la première de ces opinions, et l'Evêque Pearson la seconde.

Quant à moi, je crois que les trois Evangiles ont été écrits avant l'Epître de Clément, et qu'il n'est pas impossible que Clément les ait connus. Mais soit que Clément ait voulu citer les Evangiles, ou qu'il ait rapporté des faits qu'il connaissait personnellement, il est certain qu'il y a là un grand argument en faveur de l'authenticité des Evangiles. Si Clément a copié les Evangiles il n'y a plus de discussion ; s'il n'a fait que rapporter à sa manière le même fait, cette coïncidence donne une grande valeur au récit Evangélique, et démontre que les Evangélistes nous ont donné les mots mêmes par lesquels Jésus exposait sa doctrine.

Pour ce qui en est du point même en question, je crois que la plupart des savants, partagent les vues de Le Clerc. Quand Paul dit (Act. XX. 35) : 'Il faut se souvenir des paroles du Seigneur Jésus, qui a dit lui-même : Qu'il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir', je crois qu'il est généralement admis que Paul n'a fait que rapporter une tradition connue des Disciples de Jésus, sans se référer à aucun récit écrit. Mais nous ne saurions toujours appliquer cette règle. Nous croyons que l'allusion à des traditions écrites est encore plus générale que l'autre.

C'est le système de Polycarpe et d'autres : il est probable. et même certain, qu'il transcrit les Evangiles". Il résulte de ces paroles de Lardner que les savants chrétiens en sont encore à débattre la question de la priorité des Evangiles à l'Epître ; il prétend que toutes les solutions sont également favorables à l'authenticité des Evangiles, ce qui ne nous paraît pas acceptable. Ce qu'on peut déduire, tout au plus, des pansages des Clément, c'est que les paroles en question, rapportées par les Evangiles, sont les paroles prononcées par Jésus ; mais cela ne prouve pas que tous les autres discours, que les Evangélistes lui attribuent, soient réellement de lui. Passons maintenant à Ignace, dont on invoque aussi le témoignage en faveur des Evangiles.

Lardner dit, dans le même volume déjà cité : "Eusèbe et Jérôme mentionnent sept Epîtres comme étant d'Ignace. Toutes les autres qu'on lui attribue passent maintenant pour apocryphes. Il y a deux copies, une grande et une petite, de ces sept Epîtres. Selon tous les interprètes, à l'exception de Whiston et de deux ou trois autres, la grande copie présente des additions qui ne sont pas de l'auteur. Après une collation attentive des deux manuscrits, je crois pouvoir affirmer que la grande copie n'est qu'un développement de la petite ; hypothèse qui se trouve confirmée par les citations des premiers pères, qui correspondent au texte de la petite copie. Reste une autre question : Les Epîtres sont-elle vraiment d'Ignace ? Les plus illustres interprètes ont exercé leur plume à ce débat, qui. pour moi, n'est pas encore résolu.

Ce qui me semble certain, c'est que le texte que nous avons est celui même connu par Eusèbe, et qui existait du temps d'Origène. Quelques passages de ces Epîtres ne peuvent pas avoir été écrits du temps d'lgnace, ce qui fait penser qu'ils sont des interpolations postérieures. Nous ne devons pas croire que toutes les Epîtres sont apocryphes pour cela. De même qu'il apparaît clairement que les Arianistes ont altéré la grande copie, de même, on peut supposer. que c'est eux aussi qui ont ajouté quelques passages à la petite, ce qui toutefois ne détruit pas l'authenticité du texte qu'elle renferme".



______________________________ La suite

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